lundi 26 novembre 2018

Aide-toi et l'iPad Pro t'aidera, peut-être, pour travailler

C'était l'occasion pour moi de le prendre en main dans le cas de figure qui est celui de journées chez MacG, et de voir s’il pouvait remplacer mes deux Mac, les compléter ou rien de tout cela. Ce n’est pas un test ni une série de conseil d'apps et d'astuces, mais plutôt un résumé d’impressions après quelques jours à alterner entre mes deux machines de travail (un iMac à la maison et un MacBook Pro 13“ au bureau).
J’ai utilisé le dernier iPad 12,9“ et son Smart Keyboard Folio. Avec un écran d’une taille courante sur portables (mais celui d'Apple va bien au-delà en qualité), un processeur mobile de très haut niveau, une autonomie satisfaisante et une logithèque comme jamais nous n'en avons eu sur Mac, la tablette a des arguments impossibles à nier.
Le problème de cette question, qui revient chaque année depuis le lancement de cette gamme estampillée "Pro", réside dans sa simplicité et son absence de nuances. Parler de clients professionnels comme d’un tout unique et monolithique n’a pas de sens. Le commercial ou l’assureur qui répondent à des mails, échangent des photos ou des PDF et remplissent des formulaires sur leurs iPad, exercent une activité tout aussi professionnelle que l’architecte, le graphiste ou le musicien.
La discussion ne relève plus du fait de savoir si l’iPad est une machine adaptée ou non à ce public vaste et varié des "professionnels". La tablette est déjà un outil de production ou d'assistance, dans les cockpits d’avion, dans les cabines de TGV, sur les chantiers ou chez des professions libérales .
Lorsqu’on envisage l’iPad à la place d’un portable, il faut se poser plusieurs questions évidentes. Ce que l’on a besoin de faire avec (des choses simples auxquelles on ne pense plus sur un ordinateur tiennent encore du challenge avec iOS) ; évaluer la complexité des contraintes ; passer en revue les contenus que l’on aura à traiter et échanger, lister les applications qui existent, chercher celles qui peuvent manquer et, peut-être, envisager de bricoler ses propres solutions avec "Raccourcis" d’Apple (lorsque c’est possible !).
En somme, il faut être prêt à revoir sa méthode de travail, renoncer à des habitudes (très) solidement ancrées (comme de vivre avec une plateforme sans souris ni trackpad) et en prendre de nouvelles.
À titre d'anecdote, Steven Sinofsky, l’ancien responsable d’Office et de Windows 7, devenu un amateur d’iPad et de produits Apple en général, tweetait récemment cet article de PCWEEK en 1984. Son auteur s'y interrogeait sur l’adéquation de la souris avec des applications de productivité et exprimait son désarroi devant l’objet à qui il ne promettait pas un grand avenir sauf à être complètement revu.
Tout n’était pas à côté de la plaque dans son propos, il préfigurait des solutions autour des assistants vocaux ou d’un dispositif qui fait penser à ce qu’a été le trackpoint des claviers de ThinkPad. Mais la nouveauté de la souris se heurtait à une incompréhension, à des doutes, nourris par une solide habitude du clavier. Il y avait une bonne manière de faire les choses et, de toute évidence, la souris n'apportait rien pour améliorer cet état de fait. Au point qu’il se demandait si alterner entre la tenue de la souris et la frappe au clavier n’allait pas déconcentrer l’utilisateur.
Lorsqu’on parle de réflexes et d’habitudes à prendre, ce n’est pas seulement en termes de gestes pour passer d’une app à une autre ou pour faire circuler les contenus. À la limite, la pratique de l’iPhone vous a déjà préparé à cet exercice sur iPad.
Parler d'habitude c’est aussi apprendre à se repérer dans un nouvel espace, de la même façon que la première interface graphique a projeté sur l’écran un paysage inédit et déstabilisant pour les utilisateurs de Mac.
Passer de Windows/macOS à iOS sur iPad c’est comme changer de ville ou de maison. Beaucoup de repères « géographiques », ceux que l’on ne voyaient même plus sur son ordinateur, n’ont plus lieu d'être. Il faut en trouver d'autres et se les approprier. Pas si facile. J'utilise par exemple énormément Mission Control sur Mac, tellement que j'y ai affecté un bouton de souris. Cet affichage en vue d'oiseau de tout son environnement de travail a son équivalent sur iOS mais pas tout à fait identique. Il faut s'y faire.
Les versions modernes de ces tablettes sont encore neuves comparées à des ordinateurs chargés d’un vécu recouvrant plusieurs décennies faites de profondes mutations matérielles et logicielles. Certains d’entre nous ont connu l’ordinateur dans un format qui se résumait à un simple clavier. L’évolution a été fabuleuse et, en quelque sorte, avec l’iPad, on revient à ce format primitif. La puissance, la mobilité et la sophistication logicielle et matérielle en plus.

MacBook Pro et iPad Pro

Pendant quelques jours j’ai troqué en partie mon MacBook Pro 13“ pour un iPad Pro 12,9“ prêté par Apple, en essayant d’y accomplir ce que je fais au quotidien. Le profil de mon activité est simple : recherche d’informations, rédaction et publication d’articles. Face à ces trois piliers, le Neural Engine de l’A12X, la puce graphique du niveau d’une console et les 1 To de SSD de cet iPad faisaient plutôt de la figuration.
L’intérêt n’est pas tant dans cette poignée de caractéristiques qui décoiffent puisqu'un iPad (Pro) des précédentes générations suffirait à remplir mes tâches quotidiennes. Disons qu’elles sont rassurantes, comme l’est une voiture haut de gamme dont on sait qu’elle réagira vite, et bien, en cas de coup de volant intempestif.
Une tablette pour travailler c’est l’assurance, sur le papier du moins, d'une légèreté, d'une instantanéité et d'une simplicité de fonctionnement qui n’existent plus avec les systèmes de bureau. Les premiers portables avaient des systèmes simples mais le matériel était imposant et limité, puis l’évolution s’est inversée. Un MacBook peut en remonter à un iPad sur la finesse et la légèreté mais macOS n’a plus rien de fondamentalement simple pour qui n'est pas un utilisateur aguerri.
L’iPad symbolise un reboot de l’ordinateur portable, vidé de son gras et de ses pesanteurs, devenu mince, agile et musclé. Partant de là et au vu de ce qu’implique mes tâches, l’iPad Pro 2018 semble parfaitement adapté. « Semble » seulement, car ça et là des obstacles suffisamment gênants se mettent en travers du chemin.
Intégrer des images dans nos articles fait partie de ces opérations sans complexité apparente. On prend une image dans une page web ou un mail, on la recadre au besoin, on l’envoie en ligne et on récupère le code HTML que l’on collera dans l’article.
Pour Mac, Laurent notre développeur a conçu un petit utilitaire — MacGUpload — où les deux principales étapes que sont l’upload du fichier et la récupération du code se font après un banal glisser-déposer. Il en a réalisé une version pour iOS, encore très sommaire dans son interface mais qui fait la même chose. Sur iPad, je récupère depuis Safari Mobile les images que je veux, je les modifie dans Photos et je les fais glisser entre Photos et MacGUpload iOS pour obtenir mon code HTML.
De la même manière, la mise en place d’un article dans notre interface web de publication oblige à de multiples copier et coller entre l’éditeur de texte et l’interface web de publication dans Safari. Que l’on soit sur Mac ou sur iPad, il faut passer d’un côté à l’autre les textes du titre, de l’article, choisir la catégorie, saisir les mots-clés associés au sujet et insérer le code de l’image d’accroche qui figurera sur la home du site et dans l’app.
Ce va-et-vient est plus facile à faire sur l’ordinateur avec la souris qu’avec l’iPad, malgré une interaction directe avec un écran à quelques centimètres de la main. D’abord parce qu’il faut agir avec l’avant-bras levé, ensuite parce qu’on a cette habitude entretenue par des années à travailler avec une souris puis un trackpad.
Là-aussi nous avons pour objectif de créer notre propre app pour réduire les étapes dans la mise en ligne d’un texte et de tout ce qui l’accompagne.
Encore faut-il avoir un développeur sous la main pour faire sauter ce type d’obstacles. Sinon il faut espérer qu’un éditeur proposera quelque chose sur l’App Store qui saura s’insérer dans son flux de travail. Ou encore, avoir un besoin que la confection d’un script dans l’app Raccourcis pourra satisfaire.
C’est le premier enseignement : passer du Mac à l’iPad peut imposer de modifier plus ou moins lourdement son flux de travail et sa panoplie d’outils, même si vous ne faites rien d'extraordinairement sophistiqué. Des apps existent déjà mais parfois elles restent à inventer ou c'est iOS qui doit se renforcer. On pourra contourner l'obstacle, passer par-dessus au prix de quelques efforts… pour peut-être finir au pied d'un mur infranchissable.
On l’a vu avec les partenariats noués entre Apple et des grands noms du logiciel d’entreprise ou du conseil informatique : envoyer l’iPad et l’iPhone sur le terrain des entreprises implique de créer de nouvelles applications taillées sur mesure. Cela passe par un effort préalable.
Ensuite, utiliser quelques jours en alternance un iPad et des Mac fait naître des comportements amusants et montre à quel point on est formaté par notre culture « PC ».
Après quelques heures sur la tablette, dès que je revenais sur mon MacBook Pro il m’arrivait au début de tendre le doigt pour aller faire défiler une page ou esquisser un mouvement vertical pour activer la vue éclatée d'iOS. Réflexe similaire lorsqu’à une ou deux reprises j’ai instinctivement voulu fixer le Pencil sur la tranche de l’écran ouvert du Mac…
Cela tient plus de l’anecdote mais on prend rapidement le pli de certaines caractéristiques de l’iPad. Tout en convenant qu'un macOS tactile n’a pas grand intérêt (le défilement de contenu de pages est à la rigueur la seule chose qui pourrait être utile vu qu’elle n’implique aucune précision dans le pointage et le geste).
Revenir sur son Mac c’est aussi replonger dans une interface et un environnement qui tiennent de la jungle. Comme beaucoup, je travaille avec deux écrans, une dizaine d’apps ouvertes et plusieurs bureaux virtuels où elles sont plus ou moins assignées. Les écrans de mes Mac ressemblent à une ville en surchauffe, celui de l’iPad à un jardin japonais. J’ai l’impression sur Mac de pouvoir surveiller tout à la fois : le fil twitter qui défile en continu, les notifications de Mail, les flux RSS ailleurs, les 3 messageries ouvertes… C'est un cockpit relativement bien maîtrisé.
Sur l’iPad c’était le plus souvent 2 applications ouvertes simultanément à l’écran, pas plus. Je consacrais beaucoup plus d’attention à ce que j’étais en train de faire mais c’était au prix d’une sourde inquiétude : celle qui me faisait craindre de manquer peut-être quelque chose, que des événements se passent sans que je n'ai l'œil dessus. Un sentiment exacerbé par le fait que le suivi de l’actualité est une part inévitable de mon travail et que ce flux d'infos ne ralentit jamais.
L’iPad oblige aussi à beaucoup de manipulations et de déplacements pour aller de vue en vue, d’application en application. On peut certes y relier un écran externe maintenant que les Pro ont une prise USB-C, mais cette option n’est encore d’aucun secours puisqu’iOS n'en fait pas grand chose. Cet écran ne fait que reproduire ce que l'on a sur l'iPad (affichage miroir) ou présenter un contenu tandis que vous gardez sur l'iPad l'interface de contrôle. Mais peu d'apps s'en servent, Keynote en est l'un des rares exemples. Toutefois, quand bien même iOS saurait faire beaucoup plus avec l'écran externe, on aurait d'un côté l'écran tactile de son iPad et de l'autre un moniteur qui ne l'est pas du tout. Sauf à revoir très largement l'interface utilisateur d'iOS et son fonctionnement, cette dualité poserait probablement plus de problèmes aujourd'hui qu'elle n'apporterait de solutions. Au final et dans l'état actuel, sur iPad, on est constamment dans un seul ou deux endroits à la fois, sur Mac on est partout à la fois… pour le meilleur ou le pire.
Ce cadre de travail assez contraint de l’iPad n’est pas nécessairement un défaut. Encore une fois, certaines activités peuvent se transférer du Mac vers l’iPad, pour d’autres elles imposent de remettre à plat sa manière de faire. C’est d’ailleurs le propre de beaucoup de métiers dont la nature change au fil des années. Monter aujourd'hui une vidéo commerciale sur iPad est par exemple possible mais le faire pour un grand long métrage de cinéma ? Pas forcément… Mais est-ce grave ?
Navigation dans les apps, gestion de fenêtres multiples à l’écran, utilisation de supports externes… il y a toute sortes de domaines où iOS sur iPad peut encore s'améliorer pour simplifier la vie de l’utilisateur. Sauf si cela consiste à en faire un ersatz du Mac.
C’est la difficulté de la chose : faire avancer l'iPad vers le Mac sans qu'il devienne un Mac, ou comme on l’écrivait l’année dernière : « Laissez l’iPad être l’iPad ». Il faut pour Apple trouver le bon endroit où placer le curseur. Parvenir à évaluer si ce qui manque sur iPad relève d’une vraie contrainte pour l’utilisateur ou d’une opportunité de lui faire emprunter un autre chemin, peut-être plus difficile au départ mais qui préserve la stabilité et la simplicité d’ensemble de la plateforme.
Si l’on veut macOS ou un sosie de macOS dans un iPad, autant acheter un Mac, ils sont devenus presque aussi fins et légers qu’un iPad. Ou alors utilisez les deux pour ce qu’ils ont de meilleur à apporter selon le contexte (et nul besoin d’avoir absolument le plus nec plus ultra des iPad pour ça).
Troquer mon Mac pour un iPad apporterait aujourd’hui plus d’inconvénients que d’avantages. C’est un superbe appareil que l’on a envie d’avoir toujours près de soi, comme c’est déjà le cas avec son téléphone. Toutefois, ma manière de travailler et mes besoins ne peuvent être assurés complètement, ou plutôt d’une manière suffisamment satisfaisante.
Dans l’interface de macOS je vais plus vite, il n’y a pas, pour ainsi dire, de dos d’âne posés sur le chemin. S’il s’agit de rédiger plusieurs articles dans la journée, avec un certain timing à respecter, des informations à aller piocher à droite à gauche et sous différentes formes, l’iPad n’est pas incompétent mais je serai plus rapide sur Mac et ce sera moins laborieux.
À l’inverse, pour une production de contenus moins soumise à des questions de temps, les choses sont tout à fait envisageables. Pour le dire autrement : il peut être compliqué sur iPad de travailler avec beaucoup de choses mais fort agréable de le faire dans un cadre bien plus resserré.
Ça ne fait pas de cet iPad une machine incompétente, c’est qu’entre ce qu’elle offre et ce dont j’ai besoin le branchement ne se fait pas complètement. Une bonne partie de mon travail peut être réalisée sur cet iPad (avec un vrai plaisir à l’utiliser) mais bien plus difficilement s’il s’agit d’aller intégralement du point A au point Z. Le seul fait de pouvoir commencer l’envisager — même si au final je bloque sur des choses ici ou là — montre que cette plateforme a déjà bien évolué vers autre chose qu’un simple écran pour contempler des contenus.

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